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La soie sauvage |
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Un peu raide, rêche au toucher, aux fils un peu grossiers, irréguliers, avec des amas de fibres, elle a un charme insolite et confère au tissu une élégance très contemporaine, loin de la souplesse et du brillant familier. Nous l’appelons soie sauvage, la plupart du temps à tort (les anglais disent : raw silk c'est-à-dire soie brute). |
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D’où vient cet aspect si étrange ? |
La Chine a « inventé » la soie, il y a plus de 4500 ans. Ce fut un secret national, jalousement gardé pendant 3000 ans, garantissant un monopole commercial mondial. Mais vers 560 ap JC, peu après l’Inde et le Japon, le procédé est révélé aux occidentaux (les byzantins).
Le procédé, c’est la domestication du ver qui produit cette soie. Et le véritable secret, c’est la mort du papillon avant qu’il ne perce le cocon : ce qui permet le dévidage. |
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Pour produire la soie commerciale l’Homme élève Bombyx mori, un ver facile à domestiquer : pour lui seul, Il cultive le murier et le gave exclusivement de ses feuilles. Après plusieurs semaines, bien repu, le ver installe un abri pour mûrir sa métamorphose en papillon de nuit : de sa bouche il bave un fil de soie immensément long dans lequel il va s’entortiller jusqu’à faire un cocon. |
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Mais l’Homme tue la chrysalide avant sa transformation : le papillon percerait le cocon en sortant et en briserait le fil de soie. Les cocons sont donc étouffés. |
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Puis l’Homme fait la soie : Il dissous la séricine ou grès, colle naturelle qui enrobe le fil, en jetant les cocons dans de l’eau très chaude, dégage ainsi l’extrémité du fil continu, qui peut atteindre 1 600 mètres de long.
Il tord ensemble les baves de 4 à 14 cocons selon le titre (la grosseur) du fil souhaité et les dévide sur une bobine : Il doit être vigilant afin de remplacer les cocons épuisés et ainsi éviter les écarts de titre du fil assemblé. |
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Ensuite, Il « décreuse » : Il lave les fils de soie grège au savon pour finir de dissoudre le grès; Puis Il « mouline » : les fils subissent plus ou moins de torsions au mètre, (en S ou bien au contraire en Z), sont plus ou moins gros, résistants, pour conférer tenue, aspect et toucher appropriés au tissu souhaité. |
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Tout ceci pour obtenir la soie la plus lisse, souple et brillante possible |
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Quand la soie n’est ni lisse, ni souple, ni brillante, est ce pour autant de la soie sauvage ? Les fausses appelations : |
La soie grège est parfois appelée improprement soie sauvage. |
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Le fil n'est pas lavé : il est encore partiellement recouvert de séricine. Les écheveaux de ce premier stade, bruts, non ouvrés, écrus, naturels, un peu grossiers, sont difficiles à teindre.
Le grès a donné son nom à la couleur grège. |
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Le douppion est souvent confondu avec la soie sauvage :
Des cocons jumelés, (ou plutôt un seul cocon double aux fils entremêlés), sont filés par un procédé spécial : le fil de soie grossier et irrégulier donne au tissu final un aspect très apprécié par la mode. |
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La schappe et la bourrette : |
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Ce sont les déchets : Les cocons inutilisables en filature, (percés, anormaux, tachés etc.), les blazes (premiers filaments qui entourent le cocon), les frisons (partie externe des cocons normaux formant un feutre), la bourre (déchets de la soie grège), les cocons de soie sauvage percés par la chrysalide, les fils cassés lors de la filature, sont réunis, et décreusés. |
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Ces filaments, trop courts pour être dévidés sont cardés et peignés, comme pour la laine ou le coton. Les fibres les plus longues donneront la schappe, les plus courtes la bourrette.
Le tissu est rude, les fils irréguliers contiennent de petits amas de fibres (neps) : on qualifie à tort cette soie de sauvage. |
schappe |
bourette |
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cocons muga perçés |
Mais alors, qu’est ce donc que la soie sauvage ? |
Seule la soie issue d’insectes sauvages, non élevés par l’homme, est véritablement soie sauvage.
Dans ce cas, l’Homme n’élève pas les insectes : il recueille sur les arbres et les buissons des cocons vides, (voire ceux du bombyx du mûrier lui même, sous sa forme sauvage) : c’est la « soie de la paix », respectueuse de la vie du papillon. |
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fil muga |
Comme l’Homme n’a pas pu empêcher l’animal de trouer son cocon, celui-ci est percé, donc difficile à dévider. Le plus souvent le fil est alors obtenu par cardage ou peignage : ainsi, le tissu est peu uniforme, plus grossier, plus rugueux, plus lourd, que celui de la soie domestique.
Le grès habituellement plus foncé est difficile à enlever (excepté pour la soie tassar). Pour ces raisons la soie sauvage, rarement décreusée, conserve en général ses teintes naturelles de brun ou de roux et son lustre est plus estompé.
De plus, les aspect, brillance et coloration du fil varient selon les espèces, (et au sein même d’une espèce), selon les plantes nourricières de la chenille (chêne, ricin). |
fil muga |
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soie tussah (tasar/tussor) |
En Inde, depuis des siècles, les tribus montagnardes et sylvicoles recueillent les cocons : le tissage artisanal, très répandu tire sa matière première d’un ver qui se nourrit des feuilles d’essences sauvages appelé tasar. Il a donné son nom à la soie : tussah (ou tussor ou tassar), et celui ci s’est généralisé à l’ensemble des soies sauvages, y compris deux variétés locales : l’éri qui se nourrit de ricin et le muga en Assam, qui donne une soie ambrée, dorée. |
soie eri |
soie muga |
Madagascar et l’Afrique équatoriale produisent la soie d’anaphe (sanyan silk) : ces chenilles processionnaires confectionnent des cocons collectifs ; et aussi la soie landibé, réputée imputrescible, utilisée pour les linceuls. |
soie sanyan |
soie landibé |
soie tensan |
Le Japon produit la soie tensan, aux cocons verts ou jaune, très luxueuse.
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Il existe encore la soie sauvage des araignées, ou celle du byssus de certains mollusques de mer !! |
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